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Tutelles

Axe 4 - Changements globaux, vulnérabilités, adaptation, résilience

Partant du constat que le bassin méditerranéen est le siège de profondes mutations et de changements pluriels et que les politiques publiques s’adressent de plus en plus aux impacts de ces changements (changement climatique en particulier) sur les territoires et aux modalités d’adaptation des sociétés, il est apparu stratégique d’engager un axe de recherche, transversal aux trois premiers sur les conséquences de ces évolutions sur les communautés et les espaces ruraux de la marge.

Ces changements, souvent rapides, sont d’ordres multiples (environnemental, démographique, géopolitique, socio-culturel, économique). Il n’est pas question pour nous de proposer des recherches sur ces phénomènes, mais plutôt de les appréhender à travers : (1) la vulnérabilité des sociétés et des territoires ruraux : ces changements constituent en effet des facteurs d’émergence de nouvelles vulnérabilités (environnementale, économique, alimentaire, sanitaire, sociale), ou d’aggravation de vulnérabilités préexistantes, qui peuvent aussi se traduire en termes d’enjeux sociaux ou territoriaux ; (2) l’adaptation et la résilience : les incidences de ces changements peuvent aussi être analysées non plus en termes de risques ou de contraintes, mais en termes d’opportunités de développement, liées à la capacité des sociétés rurales à mettre en place des stratégies d’adaptation ou d’anticipation des risques liés à ces changements. Ces aspects (vulnérabilité, adaptation, résilience) seront abordés non pas de façon générale, mais dans le cadre de nos questionnements sur les dynamiques de terroir, la gestion des ressources, le développement des mobilités liées aux arrière-pays, ou l’émergence d’innovations techniques et sociales. Nous axerons nos réflexions sur trois champs thématiques majeurs.

  • L’agriculture familiale, les politiques de terroir et le changement climatique. Nous avions fait l’hypothèse, dans notre premier projet, que l’agriculture familiale, de par les fonctions sociale, de production, d’aménagement et d’occupation de l’espace qu’elle assure, représentait un atout majeur dans l’adaptation des espaces ruraux marginaux aux changements en cours. Cette agriculture des marges arides ou montagnardes s’est en effet construite autour de la gestion des aléas, et principalement de l’aléa climatique. Ses savoirs et ses pratiques (gestion des arbres dans les terroirs, gestion de l’eau et des sols) comme ses stratégies (mobilités liées à la fluctuation annuelle et interannuelle de la disponibilité des ressources pour les cultures ou les troupeaux) sont pensées et conçues en réponse à l’imprédictibilité des régimes annuels de précipitation et aux changements graduels de la température et de la pluviométrie moyennes, caractéristiques de l’évolution sur le long terme du climat des zones méditerranéennes et sub-sahariennes. La diversité, et la flexibilité sont les maitres-mots de ces stratégies intégratives. Nous avons montré comment les politiques de terroir viennent bouleverser les modes traditionnels de production et d’organisation de la production. De ce fait, elles constituent un facteur d’aggravation des vulnérabilités, qui risque de mettre en péril l’équilibre dynamique des systèmes productifs et des sociétés de la marge. Cette incidence négative des politiques de terroir se double des effets, sans doute plus rapides et plus violents, de l’arrivée massive dans les arrière-pays d’entrepreneurs agricoles à la recherche de ressources disponibles (eau, foncier) pour l’établissement de cultures intensives, généralement destinées à l’exportation. Il importe donc de comprendre, pour mieux les accompagner, les effets pervers de ces politiques liées aux espaces marginaux sur l’accentuation des vulnérabilités environnementales, sociales et territoriales de ces derniers.
  • Les flux touristiques dans les arrière-pays. La réorientation spatiale aussi bien que temporelle des flux touristiques vers les arrière-pays, ainsi que celle des pratiques associées à ces flux, même si elles créent localement de la richesse, entrent en concurrence avec l’agriculture pour l’utilisation des ressources productives. Elles s’accompagnent d’une modification des architectures et des infrastructures locales. Enfin, dans les arrière-pays « renommés » ou proches des grandes villes, elles peuvent créer, de façon saisonnière ou non, une sur-fréquentation des lieux et une surconsommation des ressources disponibles (hydriques, alimentaires, énergétiques). La relative faiblesse de la prise en compte du tourisme rural au niveau des politiques publiques montre que ce phénomène n’est pas anticipé, ni réfléchi dans le cadre des changements globaux en cours en Méditerranée. Les évènements pluvieux extrêmes de l’automne 2014 au Maroc ont illustré de façon dramatique la vulnérabilité des territoires où se déploie ce tourisme rural. Ces flux touristiques sont donc autant des enjeux exposés (aux crues torrentielles par exemple) que des facteurs d’aléa (pressions sur les milieux et les ressources). Une réflexion s’impose, à la fois au niveau de ces vulnérabilités territoriales constatées dans les espaces de fréquentation touristique, et, de façon plus globale, au niveau de la prise en compte par les politiques du tourisme de l’importance des changements en cours pour les choix en matière de produits et de localisations touristiques dans les arrière-pays. On s’interrogera sur les effets, dans le contexte des changements climatiques, de la réorganisation, aussi bien spatiale que temporelle, des flux touristiques et des pratiques associées à ces flux. Les changements de comportement de la clientèle, les saisonnalités de ce tourisme rural, les retombées financières, mais aussi les risques « naturels » accrus sont autant de facteurs à prendre en compte. Leurs risques, mais aussi leurs potentialités permettront d’alimenter la remise en cause de la priorité accordée par les politiques publiques au tourisme balnéaire au détriment du tourisme des arrière-pays.
  • Le changement : climatique…mais pas seulement. La problématique des risques liés au changement climatique, qui tend à prendre aujourd’hui de plus en plus d’importance, peut parfois occulter des facteurs de fragilisation dont les effets sont tout aussi déterminants. Tout ce qui est attribué au changement climatique n’est pas nécessairement lié à ce dernier, qui reste concomitant avec des changements macro-sociaux, démographiques, socio-politiques. Il est intéressant de comprendre comment cette menace, réelle, peut être instrumentalisée par les uns comme par les autres (cacher ou mettre en avant une mauvaise gestion des ressources, argument fréquemment observé en matière forestière), ou utilisée pour remettre sur le devant de la scène des revendications, qui, exprimées différemment, n’ont pas abouti. Ceci nous amène à proposer une analyse sur la fabrication des discours sur ces changements et leurs conséquences. Il sera aussi intéressant d’évaluer, au moyen d’enquêtes, les biais des représentations des changements et des risques associés, et d’en comprendre les déterminants et les enjeux politiques.
    Trois niveaux d’analyse permettront d’affiner notre approche. Le premier s’attachera à comprendre les jeux d’acteurs et les processus de décision propres à la gouvernance des risques induits par ces changements. Le second concernera les initiatives locales, les capacités locales (dont les savoirs), et les stratégies d’adaptation à ces changements (résilience). Le troisième dégagera quelques fenêtres d’opportunités induites par ces changements, notamment sur le plan organisationnel et social (cogestion de biens communs, planification préventive des risques, mesures de mitigation), économique (nouvelles activités, nouvelles mobilités, nouveaux systèmes assurantiels), voire politique (nouvelles orientations, nouvelles revendications, nouveaux groupes de pression).
Méthodologie globale envisagée : en quelques lignes

Notre approche générale est plus cumulative que strictement comparative : nous ne chercherons pas à sélectionner un échantillon de situations « représentatives » de la grande diversité des arrière-pays et de leurs évolutions, mais plutôt à appréhender et analyser la pluralité des situations. Les études de cas seront sélectionnées selon leur pertinence thématique, de façon à rendre compte de la pluralité des dynamiques des arrière-pays. Nous retiendrons (i) quelques terrains qui pourront être suivis « en continu » toute la durée de vie du LMI (la région Souss Massa Draa au Maroc par exemple), dans la perspective de réflexions en termes de montage d’un observatoire interdisciplinaire des transformations des terroirs méditerranéens et (ii) des études plus rapides retenues en fonction de leur pertinence pour tel ou tel axe thématique permettant d’identifier et de mettre en lumière divers processus de transformation. Nous ne visons pas une approche harmonisée des terrains, ni la définition de grille de lecture uniforme mais plutôt l’application d’un répertoire conceptuel et analytique commun et capable de rendre compte de la pluralité des processus à l’œuvre.Dans la mesure du possible, ces terrains feront l’objet d’échanges Nord/Sud et Sud/Sud, de façon à croiser les regards et les analyses. Les différentes méthodes de recherches propres à chaque discipline seront croisées : enquête par questionnaire standardisé, entretiens semi-directifs, analyse de données statistiques, relevé et suivi systématique de certaines manifestations, report cartographique, recensements des initiatives et interviews, observation participante, exploitation des sites Internet et des documents officiels ou de projet, analyses des discours et des images.