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Tutelles

Politiques publiques, échelles de gouvernance et échelles territoriales d’action

Sommaire

Thématique

La thématique 4 cherche à  comprendre comment la multiplicité des échelles et des acteurs territoriaux, ainsi que la pluralité des registres idéologiques et institutionnels mobilisés par les acteurs conduit à l'émergence de nouveaux modes de gouvernance. Ces nouvelles gouvernances jouent-elles sur le mode de la complémentarité ou, au contraire, de la concurrence et du conflit ? Comment impactent-elles les mécanismes de coordination sociale, de construction de choix collectifs, ou pour l’adaptation et l’apprentissage ? Nous nous poserons aussi la question des unités socio-spatiales et de leur pertinence comme support à l’élaboration, la concrétisation et l’intégration des projets de valorisation des terroirs. Une autre question essentielle est celle de l’impact des diverses mobilités sur les dynamiques des terroirs. Un dernier volet de nos réflexions portera sur les relations entre les politiques de promotion du terroir et les politiques de modernisation agricole. Comment les espaces marginalisés par des décennies de modernisation agricole peuvent-ils s’accommoder de ce nouvel intérêt ? Comment l’exploitation intensive des ressources par l’agriculture capitaliste va-t-elle impacter l’ agriculture de terroir, en termes de partage des usages des espaces ou des ressources naturelles, techniques, financières ou politiques ?

Quelques résultats

Politiques de terroir et mutations du rural

Nous nous sommes enfin attachés à comprendre en quoi l’avènement du terroir au Maroc permettait de recomposer les relations entre Etat et sociétés locales.

A travers ses politiques de développement agricole, l’État marocain a longtemps tenté d’imposer aux sociétés rurales un certain type de développement, capitaliste et uniformisateur. Il a échoué dans toutes les régions où l’intensification agricole était trop coûteuse sur le plan technique, environnemental ou social. La mise en avant des produits locaux et du tourisme rural vient, en théorie du moins, rebattre les cartes : elle constitue pour les populations rurales de ces régions l’un des seuls moyens de pouvoir s’engager dans un développement basé sur leurs ressources propres, sans mettre à bas les systèmes productifs existants. Mais le recours au terroir constitue-t-il vraiment une alternative (comme cela s’est passé au nord de la Méditerranée) ?

Si les initiatives issues d’individus ou de collectifs locaux restent timides au niveau de la valorisation des produits de terroir, pour le tourisme rural, les démarches ascendantes restent prédominantes. Même s’il permet aux producteurs de mieux valoriser leurs produits, le recours au terroir reste, dans la vision dominante, une entreprise de modernisation des pratiques de production, des produits et des filières ainsi que des modes d’organisation de la production. Il s’agit en effet, selon les termes du Plan Maroc Vert, « de transformer les exploitations traditionnelles en « entreprises » et faire accéder l’économie paysanne à l’économie marchande». L’assistance technique à la production mise en place dans les projets tire les systèmes de culture locaux vers un modèle plus intensif et capitaliste [1]. Elle permet aussi de refaçonner le produit à travers  « l’amélioration » des processus de transformation (exemple du fromage frais du Rif ou de l’huile d’argan). Ce reformatage normatif touche aussi l’organisation sociale de la production, de la valorisation et de la commercialisation. Il s’agit, dans l’esprit des décideurs, de professionnaliser et de structurer le secteur traditionnel de l’amont à l’aval, à travers l’organisation des producteurs en coopératives et en GIE. Bien que l’Etat affirme l’importance des solidarités traditionnelles, ce nouveau modèle d’organisation collective s’articule mal avec les structures coutumières qui gèrent l’activité rurale. Les projets de terroir participent aussi à une redistribution des rôles, avec l’introduction dans le tissu rural d’entrepreneurs [2], qui confère un grand pouvoir à des individus plutôt qu’aux collectif des ayant-droit aux ressources concernées, et, de ce fait, affaiblissent les « communs ». Ce processus revient alors à retirer la liberté d’action et le pouvoir de décision aux populations locales en laissant la place libre aux experts du développement ou du marché.

Au nord de la Méditerranée, le recours au terroir a permis aux populations rurales délaissées de recomposer leur relation au pouvoir sans s’opposer de façon frontale à l’État autour de revendications foncières ou politiques. Au Maroc, il semble plutôt renforcer la domination politique, économique et symbolique d’un monde rural encore soumis aux logiques des exploitations familiales, par le « monde du développement ». La modernisation des structures de production, la standardisation des produits et l’agrégation des producteurs invitent les sociétés rurales non pas à inventer leur modèle de développement, mais à passer d’une stratégie de type patrimonial à une dynamique entrepreneuriale. Cette dernière débouche souvent sur la création ou la consolidation de filières, ou sur le formatage de produits génériques qui répondent à une demande des consommateurs (conformité aux normes en vigueur sur les marchés visés), mais rarement sur un projet social, économique et culturel intégrateur. L’enjeu principal de la patrimonialisation du rural réside donc dans la capacité des acteurs locaux à s’approprier les démarches descendantes et à les redéfinir pour éviter qu’elles ne dérivent vers une « mise en conformité » des sociétés, des systèmes de production et des produits qui font toute la richesse et la diversité du rural marocain. Dans les régions où les dynamiques initiées par les approches descendantes sont les plus anciennes, on observe aujourd’hui une multiplication d’initiatives locales qui mêlent valorisation des spécificités alimentaires et tourisme rural. Les exploitations familiales reprennent à leur compte cette complémentarité en orientant une partie de leurs activités vers le tourisme, ce qui leur permet de faire connaître et d’écouler leurs produits. La conjonction entre l’appui public à la formation d’associations locales, la valeur d’exemple des premières entreprises soutenues par les projets de développement et les apprentissages de proche en proche que ces structures ont pu engendrer, semble porter ses fruits.

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[1] Par exemple, la production de dattes glisse des oasis vers des vergers modernes de palmiers-dattiers, effaçant les pratiques et les savoirs oasiens. On pourrait faire le même constat pour la production d’huile d’olive.
[2] Investisseurs privés se lançant dans la production « modernisée » des produits de terroir (exemple des dattes, de l’huile d’olive, de la figue de barbarie), présidents de coopératives qui deviennent souvent les agents exclusifs de la valorisation et de la commercialisation, et « oublient » de jouer leur rôle de facilitateur auprès des producteurs dont ils sont chargés de défendre les droits.

Publications

Aderghal M. Territoires, projets de développement et problématique touristique dans le pays d’Oulmes. In Berriane M., (dir.) Le tourisme des arrière-pays méditerranéens, des dynamiques territoriales locales en marge des politiques publiques, édition Université Mohammed V – Agdal, Université Euro-Méditerranéenne de Fès et LMI MediTer, 2014, p. 51-77.

Aderghal M., Amzil L., Berriane M., Fenocchi A., Furt J.M., Moizo B., Nakhli S., Tafani C., Tebaa O. et Binane A., sous la direction de Berriane M. Le tourisme des arrière-pays méditerranéens, des dynamiques territoriales locales en marge des politiques publiques, édition Université Mohammed V – Agdal, Université Euro-Méditerranéenne de Fès et LMI MediTer, 2014, 272 p

Aderghal M., Simenel R., La construction de l’autochtonie au Maroc : des tribus indigènes aux paysans amazighs. Espace Population Société , 2012, (1) : 59-72.

Aubert P. M., Romagny B. De l’économie néo-institutionnelle et patrimoniale à la sociologie de l’action organisée. In : Auclair L., Alifriqui M. (dir), Agdal : patrimoine socio-écologique de l'Atlas marocain. Rabat, IRD-IRCAM (éds.), 2012, p. 245-281.

Barthes A., Maximin S., Alpe Y., Floro M. L’éducation au patrimoine : pourvoyeuse de savoirs et/ou  au service des territoires ? Colloque international les « éducations à, un levier de transformation du système éducatif » penser l’éducation, Philosophie de l’éducation et histoires des idées pédagogiques , 2014, n° 38.

Barthes A., Zwang A., Alpe Y. Sous la bannière développement durable, quels rapports aux savoirs scientifiques ? Rapport aux savoirs, éducation relative à l’environnement et au développement durable, Éducation Relative à l'Environnement : Regards - Recherches –Réflexions, 2013, volume 11, p. 25-43.

Berriane M. Introduction générale : Les arrière-pays méditerranéens : Destinations touristiques émergentes. In Berriane M. (dir.), Le tourisme des arrière-pays méditerranéens, des dynamiques territoriales locales en marge des politiques publiques, édition Université Mohammed V – Agdal, Université Euro-Méditerranéenne de Fès et LMI MediTer, 2014, p. 9-20.

Berriane M. L'arrière-pays au secours du littoral ? Le cas du littoral de Tétouan et de son arrière-pays. In Berriane M. (dir.),Le tourisme des arrière-pays méditerranéens, des dynamiques territoriales locales en marge des politiques publiques, édition Université Mohammed V – Agdal, Université Euro-Méditerranéenne de Fès et LMI MediTer, 2014.

Berriane M., Amzil L. Les Ida-ou-tanane : Une destination touristique produit du jeu des acteurs. In Berriane M. (dir.), Le tourisme des arrière-pays méditerranéens, des dynamiques territoriales locales en marge des politiques publiques, édition Université Mohammed V – Agdal, Université Euro-Méditerranéenne de Fès et LMI MediTer, 2014, p. 79-113.

Berriane M., Nakhli S. La gestation d'une nouvelle destination touristique aux portes d'Essaouira : tourisme rural ou tourisme de banlieue ?  In Berriane M. (dir.), Le tourisme des arrière-pays méditerranéens, des dynamiques territoriales locales en marge des politiques publiques, édition Université Mohammed V – Agdal, Université Euro-Méditerranéenne de Fès et LMI MediTer, 2014, p. 116-149.

Berriane M., Aderghal M. Amzil L. La montagne marocaine : y a-t-il un renouveau par les terroirs ? Études sur les massifs d’Oulmes et du Siroua. In Berriane M. (dir.), Le tourisme des arrière-pays méditerranéens, des dynamiques territoriales locales en marge des politiques publiques, édition Université Mohammed V – Agdal, Université Euro-Méditerranéenne de Fès et LMI MediTer, 2014, p. 151-176.

Berriane M. Aderghal M. Conclusion générale : L’intérêt des regards croisés. in Berriane M. (dir.), Le tourisme des arrière-pays méditerranéens, des dynamiques territoriales locales en marge des politiques publiques, édition Université Mohammed V – Agdal, Université Euro-Méditerranéenne de Fès et LMI MediTer, 2014, p. 261-269.

Berriane M. (dir), 2014. Le tourisme dans les arrière-pays méditerranéens. Des dynamiques territoriales locales en marge des politiques publiques. CERGéo, UEMF et LMI MediTer.

Berriane M., Moizo B. “Local initiatives, public policies and the development of tourism in the rural Morocco: A 15 year perspective on development initiatives in rural tourism”, Frontiers in Science and Engineering (FSE), An International Journal Edited by Hassan II Academy of Science and Technology, 2014, Volume 1- Number 1.

Berriane M., Moizo B. Initiatives locales, politiques publiques et développement du tourisme en milieu rural au Maroc: bilan de quinze années de tourisme dans l'arrière-pays. In Berriane M. (ed.) Le tourisme dans les arrière-pays méditerranéens : des dynamiques territoriales locales en marge des politiques publiques. Université Mohamed V Agdal, Université Euro-Méditerranéenne de Fès, LMI MediTer. 2014: 21-42.

Boujrouf S. Ressources patrimoniales et développement des territoires touristiques dans le Haut Atlas et les régions sud du Maroc. Journal of Alpine Research|Revue de géographie alpine [En ligne], 102-1 | 2014.

Boujrouf S. Heritage resources and the development of tourist areas in the High Atlas and southern regions of Morocco. Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine [En ligne], 102-1 | 2014.

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Dahou T., Elloumi M., Molle F., Gassab M., Romagny B. (dir.), Pouvoirs, sociétés et nature au Sud de la Méditerranée. Paris, INRAT-IRD-Karthala, 2011, 269 p.

Michon G. Agriculteurs à l'ombre des forêts du monde : agroforesteries vernaculaires. Paris : Actes Sud, IRD, 2015, 252 p.

Michon, G., B. Romagny, L. Auclair, M. Deconchat. Forests as patrimonies? From theory to tangible processes at various scales. Ecology and Society , 2012, 17(3): 7.

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Ruf T. La complexité territoriale de l'irrigation en Méditerranée. Du bassin versant au bassin déversant,  une dualité nécessaire pour gérer l'offre et la demande  en eau et arbitrer les conflits.  In Aspe C. De l'eau agricole à l'eau environnementale - Résistance et adaptation aux nouveaux enjeux de partage de l’eau en méditerranée. Éditions Quae (Update Sciences & technologies), 
2012, Chapitre 20, 271-290.